Publié le 18 décembre 2025

Le 16 septembre 2025, la ville de Francfort accueillait la table ronde des bailleurs sur le financement de la biodiversité de Madagascar. Co-organisée par la Fondation pour les Aires Protégées et la Biodiversité de Madagascar (FAPBM) et la KfW – Banque de Développement, avec le soutien du gouvernement Allemand, cette rencontre a réuni des acteurs majeurs du financement de la biodiversité autour d’une question stratégique : comment garantir l’avenir des aires protégées malgaches face aux menaces et besoins croissants ?

Dans un contexte où la crise de la biodiversité s’intensifie à l’échelle planétaire, Madagascar se trouve en première ligne. L’île abrite une richesse naturelle exceptionnelle, avec des milliers d’espèces endémiques uniques au monde. Face à cette urgence, la mobilisation de financements durables et innovants n’est plus une option, mais une nécessité absolue.

Madagascar, un patrimoine naturel unique à protéger

Pour comprendre l’importance de cette table ronde, il faut mesurer l’exceptionnalité de Madagascar. Séparée du continent africain depuis 165 millions d’années, la Grande Île a développé une biodiversité unique : plus de 80 % de ses espèces sont endémiques, constituant l’un des points chauds de la biodiversité mondiale les plus critiques.

Le gouvernement malgache a pris des engagements ambitieux avec un réseau de 125 aires protégées couvrant plus de 8 millions d’hectares. Les programmes de conservation ont connu une évolution significative, portés par des professionnels malgaches compétents, passionnés et dynamiques.

Cependant, un défi majeur persiste : le financement durable. La gestion efficace des aires protégées nécessite des ressources importantes pour la surveillance, la lutte contre le braconnage, la restauration des écosystèmes et l’accompagnement des communautés. Sans solutions innovantes, ces efforts risquent de s’essouffler.

Face à cet enjeu, la FAPBM joue d’ores et déjà un rôle central en assurant un financement stable et pérenne des aires protégées. Toutefois, malgré cette stabilité, ses ressources demeurent encore fortement dépendantes des contributions des bailleurs et des fluctuations des marchés financiers, soulignant la nécessité de diversifier et renforcer les mécanismes de financement à long terme.

Francfort, un choix stratégique pour mobiliser les bailleurs

Le choix de Francfort n’est pas anodin. Capitale financière allemande et siège de la Banque centrale européenne, cette ville symbolise l’excellence financière. En organisant l’événement dans la Villa KfW, les organisateurs ont envoyé un signal fort : la conservation mérite d’être traitée avec le même sérieux que les grands dossiers économiques internationaux.

La KfW s’est imposée comme un partenaire engagé dans le financement de la conservation. De son côté, la FAPBM apporte vingt ans d’expérience. Créée en 2005, elle s’est imposée comme le pilier financier de la conservation à Madagascar, finançant 75 aires protégées grâce à un fonds de dotation de 157 millions de dollars américains.

L’événement a réuni fondations philanthropiques, bailleurs bilatéraux et multilatéraux, institutions financières, secteur privé, responsables RSE et investisseurs en finance verte. Cette diversité reflète la complexité des enjeux, nécessitant une approche multisectorielle et collaborative.

Un programme ambitieux centré sur les solutions

Le programme a offert une vision complète des enjeux et opportunités. Les discours d’ouverture ont été prononcés par Stefan Zeeb (Directeur de la KfW), Bruno Rajaspera (Président du Conseil d’Administration de la FAPBM), Silvia Morgenroth (BMZ), et Max Andonirina Fontaine (Ministre de l’Environnement et du Développement Durable – Madagascar), soulignant la convergence des volontés politiques.

La matinée a été consacrée aux constats : panorama de la biodiversité par Russell Mittermeier, cadre politique par le Ministre Fontaine, et aperçu du réseau des aires protégées par Ony Rakotoarisoa, Directeur Général de Madagascar National Parks. Par la suite, Christoph Weigl de McKinsey a présenté une étude sur les besoins financiers et déficits actuels.

L’après-midi a exploré les solutions concrètes. Rija Ranaivoarison, Directeur Exécutif de la FAPBM, a présenté les véhicules financiers de la Fondation : Fonds de dotation, Fonds accélérateur, Fonds d’urgence feu et Fonds communautaire. D’autres intervenants (Ludwig Liagre de Rio Impact, Katie Zdilla et Nanie Ratsifandrihamanana de WWF et Emmanuel Cotsoyannis de Miarakap) ont partagé leurs expériences sur les mécanismes innovants : crédits carbone, crédits biodiversité et obligations vertes.

La journée s’est terminée par des discussions en groupes de travail autour des thématiques prioritaires : lutte contre la déforestation, coalitions stratégiques, autonomisation des communautés, et partage d’expériences. Ces échanges ont ouvert la voie à des rencontres bilatérales pour nouer ou renforcer des partenariats.

La FAPBM, vingt ans d’expertise au cœur du dispositif

La table ronde a mis en lumière le rôle de catalyseur joué par la FAPBM dans le financement de la conservation. Son modèle repose sur un fonds de dotation dont les ressources sont investies de manière prudente afin de générer des revenus durables, redistribués aux gestionnaires d’aires protégées. Ce mécanisme permet de transformer des financements ponctuels en flux financiers pérennes, renforçant ainsi la stabilité et l’efficacité des actions de conservation.

Aujourd’hui, la FAPBM gère 157 millions de dollars et génère en moyenne plus de 7 millions USD de revenus annuels dont environ 6 millions USD sont alloués directement au financement des aires protégées. Grâce à ces ressources pérennes, la FAPBM soutient 75 aires protégées à travers le pays. Au-delà des montants, l’impact terrain est concret : des millions de kilomètres carrés protégés, des milliers d’emplois créés, des milliers de communautés accompagnées et des millions de bénéficiaires indirects.

La Fondation a diversifié ses instruments financiers pour répondre à tous les besoins. Cette capacité d’innovation fait d’elle une plateforme crédible pour recevoir de nouveaux financements. Les intervenants ont souligné la qualité de sa gouvernance et son système rigoureux de suivi-évaluation. Les projets et programmes soutenus illustrent la diversité de son action, des forêts de l’Est aux récifs du Sud-Ouest.

Des perspectives concrètes pour l’avenir

La table ronde a ouvert des perspectives concrètes. Les moments de réseautage ont permis des discussions bilatérales sur des opportunités spécifiques, avec des montants significatifs susceptibles de transformer le financement de la conservation.

Les fondations philanthropiques ont manifesté leur intérêt pour les mécanismes pérennes, plusieurs indiquant leur volonté d’abonder le fonds de dotation. Les bailleurs ont réaffirmé leur engagement, avec l’Allemagne confirmant son soutien pour le long terme. Les institutions financières se sont intéressées aux mécanismes de blended finance pour mobiliser des capitaux privés. Le secteur privé a exprimé sa volonté d’investir dans des projets à impact mesurable.

Au-delà des engagements financiers, la table ronde a renforcé le réseau international de soutien. Les participants sont repartis avec une meilleure compréhension des enjeux et des contacts précieux. Plusieurs ont déjà planifié des missions à Madagascar.

Un momentum à transformer en actions

En clôturant la journée, Bruno Rajaspera et Verena Seiler (KfW) ont appelé à transformer les discussions en actions concrètes. Seuls les flux financiers effectifs garantiront la protection durable des aires protégées.

Le chemin est clair : diversifier les sources, innover dans les mécanismes, renforcer la coordination, et placer la FAPBM au cœur comme plateforme crédible. Le plan stratégique de la FAPBM s’inscrit dans cette vision, avec des objectifs ambitieux de mobilisation.

Madagascar dispose d’atouts majeurs : biodiversité exceptionnelle, réseau d’aires protégées en expansion, acteurs locaux compétents, fondation reconnue, mobilisation internationale croissante. La table ronde a démontré que cette mobilisation peut se traduire en engagements concrets.

En rassemblant à Francfort des acteurs aussi divers et influents, la FAPBM et la KfW ont envoyé un message fort. Le financement durable n’est pas qu’une question technique, c’est un impératif moral et une responsabilité collective. C’est aussi une opportunité unique de protéger l’un des trésors naturels les plus précieux de la planète.

La table ronde a rappelé que nous avons les moyens d’éviter le pire, à condition de transformer les paroles en actes. C’est le sens de l’action de la FAPBM depuis vingt ans, et la raison pour laquelle elle continuera à jouer un rôle central dans la construction d’un avenir durable pour Madagascar.